Multiples traces d’une soirée d’observation du ciel : traces d’étoiles au fil de la rotation terrestre, traces d’avions, traces de fugaces étoiles filantes, traces orangées de la pollution lumineuse à l’horizon, trace neigeuse sur le mont Aigoual et traces de phares dans la nuit.
© Guillaume Cannat
Rencontres nocturnes
Je pensai tout d’abord qu’il s’agissait de chevaux de Przewalski. Ils étaient regroupés à quelques centaines de mètres de la route, sur l’un de mes sites habituels d’observation, juste sous le sommet du mont Aigoual (Cévennes). Ils entouraient un vieux 4 x 4 et un homme qui téléphonait dans la lumière ambrée du jour déclinant. Il existe sur le causse Méjean voisin une association qui élève des chevaux de Przewalski en vue de leur réintroduction en Mongolie et leur présence ici n’était donc pas incongrue. L’homme, à qui j’adressai la parole pour le saluer et vérifier que mon installation nocturne ne dérangerait pas les chevaux, m’apprit qu’il s’agissait en fait de chevaux Fjord d’origine norvégienne qui s’étaient fait la belle de sa ferme équestre à une douzaine de kilomètres de là en ligne droite et qui avaient suivi les sentiers qui sillonnent la région au gré de leur fantaisie depuis deux jours. Il venait de les retrouver mais, le Soleil étant sur le point de se coucher, il reviendrait les récupérer le lendemain ; quant à ma présence, elle ne devrait pas les perturber le moins du monde… l’inverse allait se révéler légèrement différent !
J’installai mon matériel et commençai à observer, passant de l’arche anticrépusculaire aux couleurs d’une intensité remarquable à l’apparition progressive de la Voie lactée dans un ciel que le bleu désertait. Le faisceau lancéolé de la lumière zodiacale enveloppait le Capricorne et baignait la planète Mars de ses reflets blanchâtres, bien différents des teintes orangées des halos de pollution lumineuse qui ponctuaient l’horizon. La soirée était déjà bien avancée lorsque je pointai mon matériel vers la grande constellation d’Orion qui s’élevait majestueusement à l’est.
Concentré sur des réglages, ma chapka bien plaquée sur mes oreilles, je n’entendis rien venir quand, soudain, un cheval Fjord toucha délicatement mon épaule propulsant mon rythme cardiaque à un niveau stratosphérique ! Sans doute intrigué par ma présence immobile dans l’obscurité, par les cliquetis et les éclats lumineux des appareils, il s’était approché en avant-garde de ses compagnons qui le suivaient de peu. Durant plusieurs minutes, il fallut discuter, cajoler, repousser en douceur, puis plus fermement, pour empêcher ces sympathiques et (trop) curieux petits chevaux de faire basculer les pieds photo alors que des poses étaient en cours. Après plusieurs tentatives d’approches sous des angles variés, la troupe s’installa finalement à une vingtaine de mètres et resta là, paisible amas de silhouettes pâles sous la clarté des étoiles. Aucun instrument ne fut renversé, mais des fantômes poilus s’invitèrent mystérieusement sur plusieurs images...
Reportage
L’arche anticrépusculaire est visible le soir après le coucher du Soleil et le matin avant son lever. Elle est formée par l’ombre que la Terre projette sur l’atmosphère et par la bande rosée qui la surmonte et que l’on nomme la ceinture de Vénus. L’arche anticrépusculaire est visible à l’œil nu sans peine dans tous les sites lorsque le ciel est limpide. Sur cette image panoramique, on distingue bien l’arrondi de l’ombre terrestre.
© Guillaume Cannat
Une bonne heure après le coucher du Soleil, le bleu du ciel s’efface peu à peu pour laisser la place aux teintes nocturnes et à la Voie lactée qui devient perceptible à l’œil nu comme une nuance plus claire dans les bons sites. Photographiquement, une pose d’une trentaine de secondes avec un objectif grand angle la révèle sans peine. Sur la gauche de la Voie lactée, on distingue une zone plus lumineuse qui semble prolonger le dôme de la clarté crépusculaire, il s’agit de la lumière zodiacale qui apparaît.
© Guillaume Cannat
Deux heures après le coucher du Soleil, une pose de 30 secondes avec un objectif grand angle et une sensibilité de 1 600 ISO mettent en évidence les halos de pollution lumineuse à l’horizon. Au-dessus de cette glaire, la Voie lactée et le cône de la lumière zodiacale s’imposent. Pour en savoir plus sur cette lueur interplanétaire visible actuellement à la fin du crépuscule les soirs sans Lune, lisez ce billet de mon blog Autour du ciel sur lemonde.fr
© Guillaume Cannat
Éclairé par la faible lueur rouge de ma lampe frontale, un cheval Fjord curieux se dédouble devant Orion lors de cette pose de 30 secondes.
© Guillaume Cannat
En enchaînant les poses de 30 secondes sans entraînement durant plus d’une heure et demie puis en les assemblant, les trainées stellaires se matérialisent et montrent la rotation de notre planète. La grande constellation d’Orion se situant au niveau de l’équateur céleste, ses étoiles tracent pratiquement des lignes droites. Les étoiles de l’hémisphère céleste boréal dessinent des cercles centrés sur le pôle Nord céleste, qui se situe à moins d’un degré de l’étoile Polaire ; celles de l’hémisphère céleste austral forment des cercles autour du pôle Sud céleste. Sur une image prise avec un grand angle, ici un 21 mm, l’inversion de la courbure des arcs est bien visible de part et d’autre de l’équateur.
© Guillaume Cannat
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Podcast
Pour prolonger cette lettre, je vous invite à écouter le podcast d’éphémérides que j’enregistre avec mes confrères David Fossé et Jean-Luc Dauvergne sur Ciel & Espace Radio. Nous parlons pendant une vingtaine de minutes des phénomènes visibles à l’œil nu et avec des instruments plus ou moins importants, en agrémentant notre conversation de conseils pratiques pour les observer et les photographier ; à écouter ou à télécharger ici.
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